Olivier BEAUD • Docteurs honoris causa facultaires 2023

Sur proposition de la Faculté de Droit, Science politique et Criminologie



Professeur agrégé de droit public à l’Université Paris II Panthéon-Assas, Olivier Beaud est directeur-adjoint de l’Institut Michel Villey et membre senior de l’Institut Universitaire de France. 

Né le 29 novembre 1958 à Annecy, Olivier Beaud commence sa carrière en qualité d’assistant à l’Université de Rennes 1. Il soutient sa thèse de doctorat d’État en droit, intitulée État et souveraineté. Éléments pour une théorie de l’État, en janvier 1989. Il est d’emblée recruté comme maître de conférences à l’Université Paris-XII pour l’année académique 1989-1990. La même année, il est reçu premier au concours d’agrégation de droit public et est nommé, à partir de l’année académique 1990-1991, professeur à l’Université de Lille II, avant de rejoindre l’héritière de l’ancienne et prestigieuse Faculté de droit de Paris, Panthéon-Assas, en 1998. Il y a été notamment directeur (2006-2018), puis directeur-adjoint (2018-présent) de l’Institut Michel-Villey pour la culture juridique et la philosophie du droit. Très investi dans la recherche, il a également été membre junior (1993-1996) et senior (2012-2017) de l’Institut universitaire de France - statuts qui permettent à celui (tantôt jeune enseignant-chercheur, tantôt académique confirmé) qui l’a obtenu, après avoir été sélectionné par un jury international pour la qualité exceptionnelle de ses recherches, d’obtenir un allègement partiel de ses charges d’enseignement et une dotation budgétaire afin de poursuivre dans les meilleures conditions son travail scientifique pendant la durée du mandat accordé.

Le professeur Beaud est d’abord un spécialiste éminent de droit constitutionnel. Sa vision de la discipline se caractérise par une certaine distance vis-à-vis d’une propension à privilégier une approche essentiellement contentieuse de la matière, centrée autour de la jurisprudence constitutionnelle, qu’il ne manque d’ailleurs pas de critiquer à l’occasion. C’est que, à ses yeux, le droit constitutionnel est d’abord celui de l’organisation de l’État, de sa puissance et des pouvoirs à travers lesquels il agit. Le droit constitutionnel est avant tout, selon lui, un droit politique, un Jus politicum - appellation du reste retenue pour la revue en ligne qu’il a fondée et dont il est le co-directeur avec son collègue Denis Baranger. La présentation de la revue par ses directeurs est particulièrement éclairante : « Loin d’opposer les phénomènes juridiques aux questions politiques, les initiateurs de la revue sont au contraire convaincus que le droit constitutionnel ne prend toute sa signification qu’en se plaçant à leur point de convergence, lorsqu’il est pleinement appréhendé comme droit politique ; lorsque la règle est comprise à la lumière de sa pratique, de son histoire, de son soubassement philosophique : à la lumière de cette culture, en un mot, qui lui donne son véritable sens »1.

Cette conception l’a tout naturellement amené à orienter nombre de ses recherches vers la théorie générale de l’État, ainsi qu’en témoignait déjà sa thèse, publiée sous une forme remaniée et actualisée en 19942. Il est, à ce titre, un des meilleurs spécialistes, au sein de la communauté des juristes de notre temps, de l’oeuvre de Bodin, de Hobbes et de Carré de Malberg.

Il est également remarquable, pour un auteur français, d’avoir consacré un ouvrage de référence au fédéralisme3, alors même que, du fait de son tropisme centralisateur, la France est en quelque sorte l’État « non fédéral » par excellence. Cet intérêt pour une problématique non spécifiquement française démontre d’emblée la capacité d’Olivier Beaud à dépasser le cadre strictement national, qui s’explique notamment par son vif intérêt pour d’autres grandes traditions juridiques européennes (voy. également infra).

Loin de se réfugier dans l’abstraction de la seule théorie, Olivier Beaud est également soucieux d’examiner de nombreuses situations concrètes, tantôt contemporaines, tantôt passées, où, à travers l’État et ses acteurs, les sphères politique et juridique se rejoignent au point de se confondre. Ainsi a-t-il consacré deux ouvrages remarquables consacrés, pour l’un, à l’affaire du sang contaminé4 et, pour l’autre, à l’histoire de l’infraction d’offense au chef de l’État en France5. Dans ces deux essais, l’analyse minutieuse des problèmes juridiques envisagés se nourrit de références à l’histoire, non seulement institutionnelle mais aussi des idées, et à la philosophie politique et juridique. En raison de leurs qualités exceptionnelles, ces deux livres ont été couronnés respectivement par le Prix Wolowski de Législation, droit public et jurisprudence et par le Prix Charles-Aubert de Droit de l’Académie des sciences morales et politiques.

Cette vision panoptique du droit constitutionnel, jusque dans ses rapports avec l’histoire politique et la philosophie, l’a au reste prédisposé à accorder également une place non négligeable à la philosophie du droit, au point de rejoindre, dès sa création, l’Institut Michel-Villey pour la culture juridique et la philosophie du droit, héritier du Centre de philosophie du droit longtemps dirigé par l’illustre auteur qui allait donner son nom au nouvel institut. Il en prit la direction à la suite de Stéphane Rials en 2006 et continue d’y jouer, aujourd’hui encore, un rôle crucial.

On rappellera que, loin de se cantonner à une approche franco-française, Olivier Beaud s’est très tôt intéressé aux traditions juridiques étrangères et, en particulier, au droit allemand, dont il est un fin connaisseur. Il est ainsi l’auteur d’un ouvrage consacré à la fin de la République de Weimar6 et a codirigé plusieurs ouvrages dédiés à la comparaison des sciences juridiques française et allemande7 ou à des débats fondamentaux qui ont agité la science juridique de langue allemande au XXe siècle8. Ce faisant, Olivier Beaud apparaît comme l’un des juristes les plus respectés dans l’espace européen - plusieurs de ses ouvrages ayant été traduits en italien, en espagnol et en serbe et celui sur la justice constitutionnelle9 contenant plusieurs contributions en allemand.

Au-delà de ses travaux de droit constitutionnel, de théorie générale de l’État et de philosophie du droit, Olivier Beaud intervient depuis plusieurs années dans les débats qui agitent l’université française10 et aux menaces qui, selon lui, pèsent sur les libertés universitaires11 et, singulièrement, la liberté académique12. Dans ce cadre, il a dirigé et continue d’animer l’association Qualité de la science française qui s’efforce, dans un contexte de managérialisation poussée de l’Université française, de défendre l’exigence et le souci d’excellence comme critères décisifs de la recherche universitaire dans tous les domaines du savoir. Olivier Beaud apporte ainsi la preuve que l’on peut à la fois être un académique de haut vol et un acteur engagé dans la Cité pour la défense de l’Université.

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1. http://www.juspoliticum.com/presentation-de-la-revue
2. La puissance de l’État, Paris, Presses universitaires de France, 1994, coll. Leviathan.
3. Théorie de la Fédération, Paris, Presses universitaires de France, 2007, coll. Leviathan.
4. Le Sang contaminé. Essai critique sur la criminalisation de la responsabilité des gouvernants, Paris, Presses universitaires de France, 1999, coll. Béhémoth.
5. La République injuriée. Histoire des offenses au chef de l’État de la IIIe à la Ve République, Paris, Presses universitaires de France, 2019.
6. Les derniers jours de Weimar. Carl Schmitt face à l’avènement du nazisme, Paris, Descartes & Cie, 1997.
7. Science juridique française et science juridique allemande de 1870 à 1918, Annales de la faculté de droit de Strasbourg, Nouvelle Série, n°1, Presses universitaires de Strasbourg, 1997 (co-dirigé avec P. Wachsmann) ; Une science juridique franco-allemande (Bilan critique et perspectives d’un dialogue culturel), Baden-Baden, Nomos, 1999 (co-dirigé avec E. Heyen).
8. La controverse sur le gardien de la Constitution et la justice constitutionnelle. Kelsen contre Schmitt, Paris, Éditions Panthéon-Assas, 2007 (co-dirigé avec P. Pasquino).
9. Ibid.
10. Refonder l’Université française. Pourquoi l’enseignement supérieur reste à reconstruire, Paris, La Découverte, 2010 (A. Caillé, P. Encrenaz et M. Gauchet, co-auteurs).
11. Les Libertés universitaires à l’abandon ? Pour une reconnaissance pleine et entière de la liberté académique, Paris, Dalloz, 2010, coll. Les sens du droit.
12. Le savoir en danger. Menaces sur la liberté académique, Paris, Presses universitaires de France, 2021.

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